L'HOMME QUI ETERNUA
J'ai croisé, l'autre jour, en revenant de mes luxueuses vacances dans une yourte à Pied-le-Fossée, un homme qui éternuait en ville. Ses yeux se sont plissés, sa bouche s'est ouverte en un rictus contrarié et, même pas le temps de mettre sa main devant, PLAF !
J'ai admiré le mouvement, bien qu'il ne sache plus où fourrer ses doigts dégoulinant de morve, avec l'impossibilité de les essuyer sur son pantalon sous l'insistant regard que je lui lançais. Et pourtant qu'il était beau ce pourvoyeur de miasmes ! Je l'aurais embrassé s'il ne m'avait autant dégoûté.
La scène fut brève, violente et riche d'enseignements. Un moraliste doit savoir moraliser avec les choses du quotidien. Un bon orgasme doit gicler partout, il en va de même pour un éternuement, le pareil des deux choses entraîne parfois quelques situations gênantes.
L'enthousiasme et l'élan de ce vieil éternueur des rues furent sans doute les plus grandes merveilles que la nature m'a jamais donnée à voir. Lui, qui n'avait plus rien à faire de sa vie que bouffer sa retraite avec ses quelques chicots jaunâtres, explosait encore d'une virilité noble et taurine à faire trembler une armée de vaches vierges.
Que vienne vite l'hiver où ce coït des pifs est enfin, par la grâce de la grippe aviaire et du virus ZZH, légalisé. Plus de honte, plus de retenue, nous fourrerons nos nez dans l'écharpe de nos voisines et, en essuyant la dernière goutte, ce sera tout comme avoir volé ce que la décence réprouve et refuse.
Éternuerez mes frères !