Il n'y a de performance que sexuelle
Il n’y a de performance que sexuelle disait mon grand père. Et il s’y connaissait, le bougre, lui qu’on voyait encore courir à plus de 80 ans, sur son unique jambe encore valide, après la fromagère, qui, diantre, à 20 ans refusait ses avances, l’idiote, alors qu’en fin de compte elle était spécialiste du lait caillé et du gruau, toute matière qu’une étreinte sénile lui promettait en abondance.
Pourtant le vieil homme avait fait ses preuves, et, bien que sa philosophie soit entachée du sceau de l’expérience, il était fort triste de voir l’incurie des jeunes générations, qui préféraient visiblement une sexualité sans ride condomisée en latex extra protecteur, à la saine explosion bestiale d’un vieux vié sur le retour. « Mais mademoiselle, » - lui disait-il, « pensez à la science que vous acquittes si vous daignassiez supporter ce membre où le limon habite, certes, mais encore bien assez performant pour vous enfanter la vulve d’un orgasme archaïque et surhumain. »
Il avait la grammaire aussi épaisse que sa salive de vieux cheval bourré de viagra.
Mais il avait le sens de la performance aussi, et on comprend son désappointement devant une belle jeunesse à l’artistique allure, ces vieux beaux de quarante ans, ces prudes trentenaires et ces presque teenager de 25 ans, performants dans de jolis théâtres blancs, et des centre d’art contemporains, propres à faire pâlir d’envie un laborantin presbite. On le comprend papi, lui qui a passé sa vie à courir après sa queue, défonçant chattes et cul dans toutes les positions invraisemblables que la souplesse de ses vertèbres lui permettait. Il ne reculait devant rien. Il s’enfournait allègrement trois receveuses de métro dans un seul chiotte de gare, leur poinçonnant le ticket entre deux coups de mandibules badines sur ses couilles inépuisables. On le comprend papi, et son désespoir artistique, troublé d’infamie lorsqu’il découvrit que de soi-disant « performers » préféraient se découper la bite au rasoir plutôt que de tringler ces juvéniles teutones toujours prêtes à réchauffer dans leur gros cul (mais ferme) ce seul membre artistique digne d’idolâtrie.
Ah le pauvre homme ! Comme je le plains quand on taxa d’infamie cette joyeuse pornographie qui convenait tant à sa délicatesse, quand on cacha le rut de façon si pudibonde, lui qui croyait qu’enfin arrivait le temps de la partouse du coin de la rue, autrement dit la permission de s’enfiler une bien consentante citadine entre deux voitures à l’heure de la pause repas.
Papi, évidemment, ne comprenait pas ce qu’était une démarche artistique, le con direz-vous, le veau sodomisateur d’employées de bureau, certes, bande de cons !, ne m’insultez pas, on a la famille qu’on peut. Mais qu’allaient-ils, eux, les artistes, utiliser un anglicisme barbare, et parler de performance, alors que papi s’y adonnait depuis sa prime jeunesse ? Et ne peut-on comprendre sa rage quand il découvrit que l’anti pornographie se proclamait un art, et que ces couillons quand ils montraient un zizi c’était pour le réduire en pièce ou pour en exhiber l’impossibilité de bander en public ! On venait vous parler de la libération du corps, mais guère que de ses parties sans intérêt… papi, quant à lui, n’avait jamais exposé que son vié au regard d’autrui, exclusivement féminin car il choisissait son auditoire, et encore, dans un état digne d’intérêt car pour lui, montrer sa bite sans un bonne gaule bien entreprenante eut été un outrage au public ! Qu’il respectait lui !
Mais qu’avaient-ils besoin de l’emmerder avec ce mot qui ne veut rien dire ? Voilà bien un signe de notre temps encore, bordel, on utilise des mots où il y a n’importe quoi, tout ça pour faire n’importe quoi d’ailleurs ! Et la pauvreté de ce qu’on nous exhibe en est la preuve, oui, messieurs, votre art balbutiant sous prétexte d’expérimentation n’a guère que sa maladresse à nous montrer, c’est pitoyable, gauche, et d’une pudibonderie que même la morale réprouve. C’est dire !
Mon grand père, que la colère métaphysique a transformé en critique averti, nous démontra la cuistrerie des oeuvres contemporaines au cours d'un réveillon de noël qu'il éclaira de toute sa verve scandalisée. Triturant les orifices de la crémière qu'il avait enfin rattrapée, pendue au sapin pour qu'elle soit à portée de main, tandis que grand mère lui trayait le téton tout en lui expliquant les incroyables vertus prophylactiques du gant mapa et de la vaseline. Se reboutonnant entre deux saillies il profitait des quelques instants de répit dans les hurlements d'extase de la crémière pour nous mettre au jus quant à l'ineffable incompétence des artistes de ce siècle.
Réunion familiale par excellence, ce Noël ci rassemblait pour une fois l'ensemble de la progéniture de papi, ainsi que leurs descendances, assemblée tardive étant donnée les tracasseries administratives qu'engendrent les recherches en paternité de nos jours, assemblée d'ailleurs que papi jugea inutile de dénombrer et que, somme toute, il regardait avec un certain mépris, les jugeant surtout comme des dommages collatéraux. Sa vie se consacrait à l'art désormais, et la consanguinité de l'assemblée ne lui donnait que la fierté d'avoir un immense public.
Tant est si bien que l'émulation artistique aidant, grand mère poussa soudain des hurlements tel que les explications de papi se perdirent avant que de commencer. La fromagère, en effet, venait de découvrir scientifiquement la vigueur d'un clitoris octogénaire. N'y tenant plus papi attrapa une serveuse qui s'aventurait entre les plats. Cette jeune fille ne croyait ni ses yeux ni ses oreilles, et se laissa faire en riant de bon coeur, l'énorme truc que papi lui enfourna entre les fesses la ramena à la réalité, si bien qu'elle joignit ses geignement à ceux de mami et de la crémière. Soufflant, transpirant, un doigt en l'air et l'autre dans le cul de la serveuse, papi tentait de nous expliquer les vertus de l'exemple et de la sensation mystique face à la froideur intellectuelle. « C'est une erreur ! Un mensonge ! Une foutaise ! » Hurlait-il.
Ce en quoi, finalement, nous n'avions pas grand peine à le croire.
Le clou de la soirée fut la conversion de la fromagère, lorsque, soudaine adoratrice de la bite à papi, elle hurla tout en malaxant un roblochon entre ses seins qu'elle consacrerait désormais sa vie à fonder une revue d'art dédier à la performance. Une ère nouvelle s'ouvrait, on déchargeait les batteries conceptuelles, et mami remise de ses émotions offrait des chocolats fourrés que tous les enfants refusèrent inexplicablement.
Quant à moi vous comprenez bien que, devant l'atavisme et une telle clairvoyance ancestrale, je ne puis adhérer à un festival de performances de petites bites, et donc que je ne cautionnerai en aucun cas ces choses si opposées aux valeurs de ma famille; Je n'accueillerai pas les ennemis de la vraie performance en mon sein, et toute mon âme se hérisse devant leur hypocondrie ! S'il ne tenait qu'à moi nous annulerions cette honte, de toute façon, me souvenant des paroles de papi « Il n'y a de performance que sexuelle », j'irai, ce soir là, noyer mon chagrin dans un boite à partouse.
Bien le bonsoir bande de branleurs.
LE PREFET