ZINÉ CLUB #8 "When we sleep, the UFOs works"
AVEC: Brian Narelle, Dan O'Bannon, Dre Pahich, Cal Cuniholm, Joe Saunders
Synopsis
Le Dark Star est un vaisseau spatial dont les membres d'équipage ont pour mission de détruire les planètes instables encombrant le système solaire. Exerçant cette activité depuis 20 ans, l'équipage a basculé lentement dans l'ennui. Une avarie se produit alors...
"La zone de stockage 9 s’est autodétruite la semaine dernière, entraînant la perte de l’ensemble de nos réserves de papier toilette."
Le lieutenant Doolitle, le sergent Pinback, Talby et Boiler, subissent de longs moments d’inactivité sur le vaisseau Dark Star. Ils trompent leur ennui par leur travail qui consiste à détruire des planètes instables afin d’ouvrir la route d’un futur convoi. En mission depuis vingt ans, en vieillissement retardé (trois ans pour eux) ils semblent développer quelques problèmes d’état d’âme. Dans l’espace, les pannes et imprévus prennent vite des proportions catastrophiques. Le plus grave reste à venir...
Râleurs, rêveurs, barbus, hirsutes, un brin dépassés par les évènements, tels sont les membres d’équipage du Dark Star. Juste des prolétaires des galaxies, comme les "routiers" d’Alien (et nous verrons qu’il n’y a pas de hasard) ou les mineurs d’Outland, des hommes bien différents de Flash Gordon. Pour son premier métrage en 1974, John Carpenter exploitait les idées iconoclastes de cette époque en déconstuisant les mythes du Space Opera. C’est la zizanie, en attendant Godot, dans un univers froid baigné dans un humour très particulier. Si c’est une comédie, elle est plutôt grinçante. Tout manque de tomber en ruine en touchant le mauvais bouton, Dark Star parodiant les systèmes rodés et fermés à tel point qu’ils contiennent en eux-mêmes les germes de leur destruction. Il en ressort un pastiche direct de 2001 associé avec une logique de l’absurde héritée de Docteur Folamour, faisant sienne son escalade inéluctable vers la déflagration.
L’une des séquences est digne d’intérêt d’un point de vue rétrospectif. Elle s’annonce quand l’ordinateur pousse Pinback a aller nourrir la mascotte du vaisseau, qui est un alien ! Pinback rechigne mais s’exécute. Il poursuit ensuite avec son balai l’extra-terrestre espiègle. Toute cette séquence jouée par l’étudiant Dan O’Bannon sera la prémisse de son futur scénario d’Alien, écrit en collaboration avec Ron Shusset. Il faut noter d’ailleurs tout le talent naissant de Carpenter qui y insuffle de la tension avec zéro moyen malgré l’extraterrestre incongru… Un ballon avec des serres palmées qui émet des gazouillis. La filiation avec le film de Ridley Scott ne s’arrête pas là puisque le Dark Star fut élaboré par Ron Cobb, le mechanical designer d’Alien.
L’arc narratif central décrit les agissements de la bombe 20, une bombe intelligente (à sa manière) destinée à anéantir une planète mais qui veut exploser avant. L’ordinateur de bord tentera de convaincre la bombe 20 que le signal de mise à feu provient d’une malfonction mais celle-ci y met de la mauvaise volonté, persuadée de son ordre ("D’accord, mais c’est la dernière fois…"). La bombe 20 récalcitrante est un décalque amusant de la prise de position du Hal 9000 de Kubrick contre ses maîtres. Ce conflit d’opinons culminera avec un dialogue existensialiste entre l’un des spationautes et bombe 20.
Dan O’Bannon deviendra l’un des scénaristes marquant du genre. Il travaillera sur le Dune inabouti d’Alejandro Jodorowski. Ce sera l’auteur de scripts importants, dont celui d’Alien : Metal Hurlant et Total Recall. En 1984, il sera le réalisateur du campy Retour des morts-vivants. John Carpenter y appris ses gammes dans la difficulté. Il y eut de sévères frictions avec le producteur Jack H. Harris (les Blob) jusqu’au point où le réalisateur dû dérober les bobines de son propre film ! Dans l’équipe, certains éléments seront les fidèles compagnons de route du réalisateur, comme Nick Castle.
Dark Star est tenu par des rouleaux de gaffer et de l’astuce, c’est d’autant plus méritoire d’avoir choisit la science-fiction. Son principal défaut est que ce projet d’étudiant réclamait quarante minutes de la vie de l’équipage pour une exploitation en salles, mais elles sont, il faut l’avouer, le ventre mou du film. Pour finir, il faut signaler l’excellent travail sur la bande son, entre boucles qui anticipent les fameux travaux de composition du réalisateur et de la country en contrepoint de l’univers futuriste.
A PROPOS DE ZARDOZ
RÉALISATION: John Boorman
AVEC: Sean Connery, Charlotte Rampling, Sara Kestelman, Niall Buggy, John Alderton, Sally Anne Newton
Synopsis
2293. La Terre a été totalement dévastée et la société est divisée en plusieurs castes : les Brutes, les Exterminateurs et les Barbares qui vouent un culte sans limites au dieu Zardoz. Tous oeuvrent pour les Éternels, un groupe d'humains immortels. Ce nouvel équilibre social va être bouleversé lorsque Zed, un Exterminateur, décide de pénétrer chez les Éternels, défiant ainsi le dieu Zardoz...
Autant crever l'abcès tout de suite, ce film de science-fiction introspectif datant de 1974 a visuellement un peu vieilli. Un Sean Connery en slip rouge et cuissardes style Francis Lalanne, ainsi qu'une communauté d'immortels au look beatnik version Aphodrite's Child, voilà les deux grandes raisons qui font qu'aujourd'hui, ZARDOZ est un film estampillé kitsch pour certains ! Il serait fâcheux de ne pas dépasser ce stade et de passer à côté de ce que ce film a réellement à nous proposer. Car ZARDOZ n'est pas une œuvre destinée à nous en mettre plein la vue, mais bel et bien une tentative assez unique au cinéma de mélanger fable et anticipation. Le film de John Boorman ne fonctionne donc pas au premier degré, mais à travers une multitude de niveaux de lecture que le spectateur prendra soin (ou non) de décoder.
Il serait laborieux de tenter d'expliciter le moindre fragment de ZARDOZ (et de toute façon, il nous faudrait des pages et des pages pour bien faire). Disons que le film attaque en premier lieu la religion et autres organismes sectaires (Zardoz est une supercherie propre à contrôler les peuples et richesses de la Terre au seul dessein d'un petit groupe "élu"). Mais surtout, le métrage est l'occasion d'une réflexion sur une société utopique où la mort et les dissidences morales n'existeraient pas. Contrairement aux idées convenues, le film nous en dresse un tableau cauchemardesque.
Les immortels du film (en fait des savants et intellectuels ayant trouvé le secret irréversible de la vie éternelle) ne sont que des êtres désincarnés, sans personnalité ni désir. C'est la condition sine qua none à la préservation absolue de l'harmonie. Autre ironie du propos, Boorman s'amuse à nous les montrer pétris d'un profond ennui, espérant de toutes leurs forces que la mort les emportera bientôt.
On ne peut en dire plus, de peur de déflorer à ceux qui ne l'ont pas encore vu, toutes les ramifications (quelques fois un peu confuses, il faut l'avouer) du film de Boorman. On peut juste rajouter que la mise en scène du Monsieur est impeccable, aussi bien dans les moments abstraits que dans les scènes plus posées, où Boorman magnifie les somptueux paysages Irlandais par l'utilisation récurrente de la superbe symphonie numéro 7 de Beethoven.
Mais si ZARDOZ tient ainsi debout, c'est aussi pour beaucoup grâce à la crédibilité de Sean Connery. Outre une abondante pilosité généreusement affichée durant la totalité du métrage (il est tout le temps torse nu), l'acteur écossais fait preuve d'une interprétation solide, assurant du même coup la cohérence et la réussite d'un tel récit.