After MiMi
Super-groupe composé de membres de Marietta, La Secte du Futur et Dame Blanche, les Parisiens de Bryan‘s Magic Tears ont publié l‘année dernière un premier album de pop garage hautement addictif. Faisant la jonction entre le psychédélisme 60‘s et le rock indie slacker des 90‘s, le groupe réussit magnifiquement la rencontre rêvée entre Syd Barrett et Pavement.
Dans le cadre de la Convention de partenariat Etat (DRAC), Région Sud PACA et CNV
Bryan's Magic Tears
Vous vous souvenez de ces groupes américains bouffés par les mites signés sur des labels injoignables du Midwest qui balançaient, au milieu des années 1990, des refrains à faire pâlir les Smashing Pumpkins avec le son le plus pourri de l’histoire de l’électricité ? Non, peut-être pas. Eh bien sachez que Bryan’s Magic Tears aurait très bien pu être l’un d’entre eux. Ce projet, lancé il y a 4 ans par Benjamin Dupont (Dame Blanche) et dans lequel on croise des membres et ex-membres de La Secte Du Futur et Marietta, a en effet tout pour occuper ce créneau, plus tellement usité ces temps-ci, d’ailleurs : mélodies toxiques, guitares alternant fouet et caresse, son fantômatique et nom alambiqué faisant référence à un obscur dealer d’acide parisien.
Mais attention : pas question ici ni d’un vain exercice de style mis sur pied par des gamins surdoués fantasmant une époque qu’ils ont raté, ni d’une triste réunion revivaliste de vieux crabes toujours pas remis d’avoir atteint les 40 ans. Si on pense aux 90’s lorsqu’on écoute Bryan’s Magic Tears, ce n’est pas à cause du son – pour le coup, très proche de celui de leurs compagnons de tournée, Le Villejuif Underground et Jessica93 – mais d’un état d’esprit propre à l’époque et à un moment précis de l’adolescence, celui où s’effaçaient doucement les dernières illusions qu’avaient laissé entrevoir la chute du mur de Berlin et où commençaient à s’amonceler les sombres nuages de la première guerre du golfe, ce spleen insouciant et blasé, dépeint à la perfection dans les films de Gregg Araki, dans certains morceaux de Sebadoh, Beat Happening ou Nirvana, ou dans cette fameuse phrase extraite du « Romeo Had Juliet » de Lou Reed : « It’s hard to give a shit these days » – « Difficile d’en avoir quoique ce soit à foutre, aujourd’hui ».
Cet état d’esprit on le retrouve pur, intact, limpide, chez Bryan’s Magic Tears, sans pose ni cynisme, et au service de titres insensés, véritables hits brumeux forgés dans un feu triomphant, qui ont fait de leur premier album, paru fin 2016 sur XVIII Records, un des plus beaux disques issus de la scène indépendant française saison 2010-2020. Et qu’on retrouve aujourd’hui, plus mordant et précis encore sur 4 AM collection de tubes insensés – « Ghetto Blaster », « CEO », « Changes », on pourrait citer tout l’album en vérité. Un disque taillé pour ces journées de printemps claires et fraîches où tout semble tout à coup plus vif, plus clair, plus intense. Un disque qui rappelle ce que c’est de louper le dernier train de la journée et de se rendre compte qu’il nous manque tout juste de quoi s’acheter un billet pour celui du lendemain. Un disque évident, indestructible, lunaire, romantique, arrogant, flegmatique et désabusé.